Le consentement est absent du système éducatif – pourquoi n’en parlons-nous pas?

Ce texte est une traduction d’un article de blog de Sophie Christophy, intitulé « Consent is absent in the education system – Why aren’t we talking about it? »

Je remercie Sophie Christophy de m’avoir autorisée à publier cette traduction sur ce blog.


Le concept du consentement a été à juste titre l’objet d’un regain d’attention ces dernières années. L’année dernière, le Education Select Committee a publié “Life lessons: PHSE and SRE in schools” (ndt : Le PHSE et SRE sont des programmes d’enseignement scolaire couvrant de nombreux sujets comme les addictions, l’éducation aux relations interpersonnelles et sexuelles etc). Ce rapport soulevait fréquemment la question du consentement, et la compréhension qu’ont les gens de ce terme. Il y figure cette citation issue d’un travail de recherche réalisé pour le bureau du commissaire à l’enfance :

« Les jeunes personnes (ndt : “young people” dans le texte) comprennent en général ce que l’on entend par consentir à une relation sexuelle, mais ils ont une compréhension très limitée de ce qu’implique l’obtention du consentement. Les jeunes personnes sont capables d’expliquer en théorie ce que veut dire le consentement, mais lorsqu’ils sont face à la réalité, leur perception de ce à quoi ressemble une relation sexuelle non consentie est très différente de la compréhension théorique qu’ils en ont. »

Le truc avec le consentement, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de relation sexuelle. Faire constamment le lien entre les deux, c’est rater l’essentiel. Le consentement, c’est le droit d’une personne d’être maître de son corps et de son esprit. Il s’agit d’une personne qui sait qu’elle a de l’agentivité (ndt : “agency” en anglais est la faculté d'action d'un être ; sa capacité à agir sur le monde, les choses, les êtres, à les transformer ou les influencer. C'est-à-dire la perception de soi comme acteur du monde qui fait arriver des choses, et pas seulement comme quelqu'un à qui il arrive des choses), qui sait qu’elle a le droit de déterminer et de protéger ses limites personnelles. Qu’elle a le droit de décider de ce qui lui arrive, et comment. Le consentement, c’est l’acte d’une personne qui accepte de participer à quelque chose.

Et c’est peut-être pour ça que l’éducation au consentement dans les écoles (lorsqu’elle existe) est si souvent étroitement liée à des contextes sexuels : parce que aborder le sens du consentement dans un environnement scolaire, c’est problématique. Cela soulève la question de comment le consentement est - ou n’est pas – vécu à l’école.

 
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Où le consentement peut-il être trouvé à l’école? Les élèves (jusqu’à l’âge de 14 ans quand ils disposent d’options très limitées et très structurées concernant le choix des matières) n’ont pas du tout ou très peu d’influence sur ce qu’ils font. Ils ne peuvent pas ne pas aller en classe, ils ne peuvent pas décider eux-mêmes de ce qu’ils aimeraient y apprendre, ou comment ils aimeraient l’apprendre. Ils ont souvent très peu de liberté concernant les conditions d’un cours, où et comment ils s’asseyent durant celui-ci, ou comment éventuellement participer. Ils n’ont pas la possibilité de dire non. C’est un environnement sans consentement.

Ils ne peuvent pas décider de ne pas venir à un cours avec tel enseignant, même si cet enseignant les a maltraité ou harcelé d’une manière ou d’une autre. Je peux l’affirmer suite à mon expérience personnelle : ayant été victime de l’abus d’un enseignant, et malgré le fait que je me sois plainte à la fois en personne au professeur principal et à la fois par écrit à l’école, rien n’a été fait pour me protéger de cet enseignant. J’ai été forcée de continuer dans cette classe alors que cette expérience était à l’origine d’un grand stress pour moi.

Non seulement les élèves sont privés de l’opportunité de consentir activement à leur expérience à l’école, mais il y a en plus un système en place pour les punir en cas de refus de leur part. Ne pas participer n’est pas envisageable sans la menace de l’humiliation/punition. Tu ne peux même pas choisir de te désengager d’un cours auquel tu n’as pas activement consenti au départ. Ton attention est exigée, et si tu ne la fournis pas, tu seras puni.

Réfléchissons un instant : si un enfant à l’école dit : “non merci, je ne veux pas faire ça”, est-ce que la personne qui lui répond montre l’exemple du comportement à avoir face à l’absence de consentement?

Est-il alors surprenant que les jeunes comprennent en théorie la notion du consentement, mais qu’ils n’aient que peu de compréhension pratique du consentement dans la vie quotidienne, lorsqu’ils ont été socialisés dans un environnement punitif et sans consentement pendant 12 années déterminantes de leur vie? Est-il surprenant que des personnes de tous âges soient en difficulté avec le concept de consentement et d’autonomie personnelle, lorsqu’ils en ont été privés dans l’environnement même où ils pensent avoir été éduqués?

Si le consentement est important, pourquoi ne l’est-il pas à l’école, et pourquoi n’en parlons-nous pas?