Que se passe-t-il à l’ESL durant la fermeture temporaire?

Comme toutes les écoles de France, nous sommes fermés physiquement depuis le lundi 16 mars, et pour une durée encore indéterminée.

Début mars, nous pressentions qu’un fermeture temporaire de l’école pouvait avoir lieu, notamment si quelqu’un était dépisté positif au Covid-19. L’annonce générale que l’école pouvait fermer temporairement avait été accueillie par les élèves de l’ESL par des cris de protestation et de déception.

Lors de l’annonce de la fermeture de toutes les écoles le 12 mars, la déception a été très forte pour nos élèves. Certains parents d’élèves nous ont raconté que leurs enfants en ont pleuré. Le contraste était encore plus saisissant dans les familles dont les enfants ne sont pas tous scolarisés à l’ESL : l’enfant qui va dans une école conventionnelle a crié de joie, et celui qui va à l’ESL était très déçu.

Le dernier jour d’école (13 mars) a donc été une journée un peu particulière, avec tous les préparatifs nécessaires à la fermeture temporaire de l’école : discussions, réunions, plans d’actions, mails aux parents, tests techniques pour anticiper les semaines à venir,…

Ce soir-là, en partant de l’école, j’avais le coeur gros. Je n’étais pas la seule.


Durant cette période de fermeture, comment faisons-nous pour poursuivre au mieux notre approche éducative ?

Les écoles conventionnelles, elles, envoient des cours, des devoirs, et chargent les parents de veiller à l’application de ces consignes.

Ce fonctionnement ne correspond pas à notre pédagogie.

Quels principes pouvons-nous appliquer dans les conditions actuelles, pour préserver cette fameuse « continuité pédagogique » ?

  • Maintenir le respect des uns envers les autres : les enfants et les adultes de l’école restent égaux en terme de dignité et de respect (c’était tellement évident que j’ai hésité à le mettre dans l’article :)

  • Égalité de droit d’accès aux décisions de l’école : les dispositions prises pour la fermeture ont été votées lors d’un Conseil d’École exceptionnel, le dernier jour d’école physique. Car, fidèle à ce que nous prônons, tous les élèves peuvent participer aux décisions concernant l’école. Les réunions de décisions concernant la gestion de l’école sont également accessibles aux élèves durant la période de fermeture temporaire.

  • Chacun reste libre de déterminer les activités auxquelles il se consacre : les apprentissages ont lieu dans tout type de situation. La capacité à initier un projet et à le mener jusqu’au bout est une capacité transversale, qui s’applique et se développe au cours de toute activité, quelle qu’elle soit. Ce que les élèves font chez eux a de la valeur, les activités auxquelles ils se consacrent sont autant légitimes que lorsqu’ils sont à l’école.

  • Le groupe : ce que l’école fournit en présentiel habituellement, c’est à la fois ce cadre de respect et de liberté, mais aussi et surtout un milieu collectif, où les élèves de tous les âges peuvent discuter, échanger, jouer les uns avec les autres. Ils peuvent choisir de participer aux activités ou rester seuls, mais ils sont dans un cadre où les enfants, adolescents et adultes vivent dans un lieu commun qui permet de nombreux échanges : entre les groupes d’amis, entre les âges, en voyant les autres faire des choses auxquelles ils n’auraient pas pensé, en entendant des discussions, en échangeant des idées, en discutant, en construisant un projet qui s’enrichit des idées de chacun…


Alors, comment permettre cette continuité, certes moins optimale, à distance ?

Nous avons donc décidé d’ouvrir un salon de visioconférence, ouvert de 10h à 12h et de 14h à 17h les lundi, mardi, jeudi et vendredi (jours habituels d’ouverture de l’école). L’idée, lorsqu’elle a été proposée avant la fermeture, a suscité un engouement immédiat. Nous avons même ouvert ce salon virtuel le mercredi après-midi, à la demande de certains élèves.

Ces visioconférences permettent un échange sur le coup, dans l’immédiat. Chacun se connecte à l’heure qu’il/elle souhaite durant les heures d’ouverture, au moins une fois par jour. Les différents caractères de chacun sont respectés : il n’y a pas de durée minimale où l’on doit rester une fois que l’on a donné quelques nouvelles. Ainsi, ceux qui ont envie de rester en contact peuvent rester plusieurs heures, ceux qui ont plein de projets peuvent se déconnecter et aller vaquer à leurs occupations, ceux qui sont plus timides peuvent rapidement retourner se consacrer à leurs activités personnelles.

 
ecole sudbury lilloise zoom
 


Face à l’absence de prof, certains élèves des écoles conventionnelles peuvent être perdus dans la gestion de leurs journées.

Ce n’est pas le cas pour nos élèves !

Ils sont déjà habitués à gérer leur journées, à décider comment ils vont l’occuper. Certains élèves ont des emplois du temps « de ministre » (qu’ils/elles ont construit eux-même), d’autres s’ennuient.

L’ennui n’est pas quelque chose contre quoi nous souhaitons lutter. L’ennui fait partie de la vie, particulièrement si l’on reste confiné chez soi.

Ceux qui préparent des examens comme le bac ou le brevet ont déjà une certaine habitude du travail en autonomie. Bien sûr, ça n’est pas facile tous les jours, et travailler en autonomie demande discipline et rigueur. C’est une capacité qui se développe avec le temps. Mais c’est un processus auquel ils sont déjà confrontés depuis qu’ils sont scolarisés à l’ESL.

En parallèle, nous avons ouvert un serveur de tchat, pour permettre les échanges écrits, afin de pouvoir garder la trace de certains échanges (annonces, compte-rendus de réunion, coordination pour se donner RDV sur le salon virtuel, laisser un message à un autre qui n’est pas connecté, échanges de blagues, de GIFs, de « memes »,...) Nous avons aussi un tchat où ceux qui le souhaitent postent ce qu’ils font : cela permet de s’inspirer les uns des autres.

 
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Des activités manuelles, de la lecture, des cahiers d’exercices,…

 
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Des jeux de société, du sport, des gaufres plus ou moins réussies :)

Ainsi, depuis 2 semaines, nous nous organisons, nous composons avec ce que la vie amène, et nous en tirons le meilleur possible. Nous réajustons régulièrement notre organisation (comme la plupart des autres personnes confinées  d’ailleurs !).

Nous avons tous hâte que l’école puisse réouvrir. Un des points positifs de cette fermeture, c’est de voir à quel point les élèves sont heureux de venir à l’école, et à quel point les membres du personnel sont heureux de venir y travailler. Nous prenons encore plus conscience de la chance que nous avons d’avoir pu créer et de faire vivre un lieu collectif tel que celui-ci.

Et comme l’a dit un des élèves récemment : « J’imaginais pas que l’école me manquerait autant ! »



Cécile ProkopComment