Quelques réflexions sur le rôle de l'adulte

On pourrait penser que le rôle de l’adulte dans une école doit être d’enseigner, de diriger, d’animer, de faire de la médiation, de coordonner, de suggérer, de proposer,..

Il devrait être pro-actif, pousser, solliciter, susciter la curiosité chez les enfants et adolescents.

A contrario, si l’adulte s’implique moins dans le processus d’apprentissage de l’enfant, on craint que l’enfant serait carencé d’une manière ou d’une autre.

À l’ESL, nous intervenons moins, volontairement. 

Notre attitude est en lien avec une certaine humilité. Nous voyons que dans un cadre tel que celui que nous proposons, le rôle de l’adulte dans l’instruction d’un enfant est largement sur-estimé.

Les enfants et adolescents sont capables de bien plus de choses par eux-même que ce que nous imaginons.


Cléa a témoigné sur sa manière de préparer le bac l’année dernière dans cet article.

J’ai trouvé son témoignage très touchant, car elle y parlait de son vécu. J’ai été aussi extrêmement surprise, car, alors que j’avais passé un certain temps à discuter avec elle durant cette période, j’ai découvert tellement de choses en lisant son article !

J’ai alors réalisé à quel point on ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans l’esprit de l’autre, à quel point il est illusoire de vouloir contrôler les apprentissages que fait une personne. Chaque esprit répond à sa manière, avec des besoins qui lui sont propres, et chacun est lui-même le mieux placé pour répondre à ces besoins

Alors, nous, les adultes, qu’avons-nous fait pour Cléa durant le temps qu’elle a passé à l’école ?

Nous ne lui avons pas organisé d’emploi du temps.

Nous ne lui avons pas suggéré ce qu’elle devait faire.

Nous ne lui avons pas imposé de méthode particulière.

 

Nous avons répondu à ses questions, quand elle en avait (finalement, très peu)

Nous l’avons soutenue dans ses moments de découragement.

Nous avons co-géré le côté administratif de l’inscription au bac.

Nous avons discuté avec elle de ses vacances, de ses loisirs, de choses et d’autres...

 
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Un autre exemple :

Trois jeunes enfants de 5 ans passent leurs journées ensemble. Quand ils sont à 3, ils sont occupés toute la journée. Ils ne viennent solliciter les adultes que ponctuellement, pour des demandes bien précises. (« Tu fais quoi ? » ; « X fait ça, est-ce qu’il a le droit ? » ; « Je veux aller à l’épicerie, tu peux venir avec moi ? » ; ...)

La mère d’un des enfants de ce groupe me décrivait comme sa fille s’est épanouie, s’est ouverte et a pris confiance en elle depuis qu’elle s’est inscrite ici.

On pourrait penser que les adultes de l’école n’y sont pas pour grand chose, parce que…

Nous n’avons pas organisé d’atelier de coopération.

Nous n’avons pas organisé d’atelier de langage.

Nous n’avons pas proposé d’atelier découverte de poterie, de boulangerie ou de lettres.

Nous n’avons pas proposé de temps de gestion des émotions, ou de prise de confiance en soi.

En fait, nous ne remplissons pas leur emploi du temps avec ce que nous pensons utile pour les aider à se développer. Ce sont eux qui choisissent ce qui les intéresse, et c’est à travers ces activités qu’ils nourrissent leurs besoins.

Et malgré tout, nous y sommes pour beaucoup!

Mais pas de la manière dont nous pensons devoir l’être.

Les adultes ont un rôle indispensable dans notre école.

Nous insufflons une culture de l’instruction auto-dirigée, nous soutenons l’autonomie, nous défendons nos convictions concernant le respect, nous discutons et réfléchissons avec les élèves qui le souhaitent de problèmes éthiques, des limites de la liberté, de la manière d’appliquer les règles, ou de comment celles-ci peuvent être modifiées ou améliorées pour servir le collectif.

Nous considérons que les désaccords sont le fondement de la vie démocratique, car celle-ci est basée sur la cohabitation des personnes différentes.

En bref, nous défendons nos points de vue pour ce que nous pensons être bon pour l’école, c’est-à-dire pour développer le cadre qui permet aux capacités naturelles de l’enfant d’apprendre, de se développer, pour devenir un adulte autonome.

Nous répondons aux questions qui nous sont posées, discutons, écoutons, et sommes présents avec les élèves. Nous les aidons dans leurs apprentissages, quand ils en font la demande.

Nous sommes des ressources pour les élèves, non des juges, non les uniques des détenteurs de la « bonne » voie et du savoir.

Nous lâchons prise dans certains domaines, mais nous prenons place entièrement dans d’autres.


Cécile ProkopComment