Avoir son bac en école Sudbury, c'est possible ! – témoignage d’une élève

Je m’appelle Cléa, j’ai 17 ans et j’ai obtenu mon bac littéraire mention européenne et assez bien l’année dernière et tout ça en étant scolarisée à l’École Sudbury Lilloise. Cela paraît impossible pour beaucoup, mais c’est le cas. 

    Ceci est un témoignage à cœur ouvert, une ode à mon parcours initiatique et mon évolution. Au-delà d’avoir passé mon bac en autonomie, ça a été une expérience à part entière. Ce serait vous mentir que de vous dire que ça a toujours été simple et que mon parcours n’a pas été semé d’embûches. Cependant, l’autonomie comprend de nombreuses qualités, ne vous y méprenez pas. Elle nous pousse à nous dépasser, à aller plus loin et à affronter nos peurs. 

    Il y a pile un an, en 2018, je traversais la période la plus sombre de ma vie, je n’allais plus au lycée et je sombrais dans la dépression. J’ai clairement fait un burn out dû au système scolaire traditionnel, entre autres. J’étais alors une jeune fille en pleine crise existentielle qui n’avait plus goût en la vie, anxieuse maladive et perfectionniste de haut niveau. La pression que je me mettais en était destructrice et celle que nous ajoute constamment le personnel éducatif ainsi que la société, de manière générale, m’angoissait d’autant plus. Si je vous parle de ceci avec autant de facilité, c’est avant tout parce que je me suis épanouie. Je suis désormais loin de cette jeune fille aux idées noires. Récemment, je suis retombée sur des textes que j’avais écrit qui dataient de janvier dernier, lors de mon entrée à l’école, et je peux vous dire que l’ascension est fulgurante. J’ai tellement appris et grandi en si peu de temps. Je pense très sincèrement que l’École Sudbury Lilloise a véritablement été ma lueur d’espoir dans un monde que je pensais sans issue. 

    Ce n’est pas dans le but de vous effrayer ou de vous inquiéter que je vous énonce tout ceci, cela fait partie intégrante de mon parcours et sans ceci, sans les épreuves que j’ai affrontées, je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. À vrai dire, au même titre que l’ennui, les périodes de doute, de remise en question et de pensées sombres, comme j’ai pu en avoir à foison, sont autant nécessaires que les périodes de joie intenses. J’aspire à penser que la vie c’est un peu un 50/50 : 50% de positif et 50% de négatif. Les aspects négatifs ont pour vocation de nous faire apprécier les aspects positifs plus amplement, de les chérir avec plus de force. Ils sont nécessaires à notre quête du bonheur. 

 
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    D’abord, je tiens à préciser que si j’ai passé mon bac cette année-là c’est uniquement car j’en avais envie, selon mes motivations et projets personnels. Il s’agit donc bien ici de mon parcours, de ma perception des choses et de ma vérité. La réalité, c’est qu’il n’y a pas un « type de scolarité », il y a une scolarité propre à chaque élève. Il ressentira, vivra et expérimentera les choses différemment, qu’il ait un parcours scolaire dit « traditionnel » ou non. En école Sudbury, lorsqu’il s’agit de diplômes, il y a mille et une réponses en faveur et en défaveur. Il y aura une réponse propre à chaque élève. Je vous renvoie par ailleurs vers la vidéo de Cécile qui traite de la question plus amplement.

   

    Désormais, maintenant que le cadre a été posé, je pense qu’on peut s’attaquer à la question du comment on fait pour préparer son bac dans ces conditions si atypiques. Je pense très sincèrement que la réponse va vous surprendre, sur la forme, mais elle relève de mes apprentissages. À l’heure actuelle, je perçois les choses assez simplement. J’ai cherché le contenu et les attendus du programme ainsi que le détail des épreuves sur Eduscol, un site de l’Education Nationale qui recense tout ceci, filières par filières, niveau par niveau. 

    Puis, Internet a été ma mine de ressources inépuisable. Entre les sites internet spécialisés dans le domaine qui proposent des vidéos, cours et exercices et les nombreuses chaînes YouTube ; j’étais servie. J’ai notamment utilisé Digischool, SchoolMouv’, Les Bons Profs et Annabac pour les sites internet. Pour ce qui est des chaînes YouTube, elles sont un très bon moyen d’apprendre, que ce soit spécifique à une matière, tenues par des passionné.e.s ou des enseignant.e.s ou expressément conçues pour le passage d’examens comme « l’Antisèche ». Pour la philosophie, par exemple, les chaînes de « Cyrus North » et « Parle-Moi Philo » sont excellentes. Encore une fois, ce sont mes propres méthodes d’apprentissage et aucune méthode ni ressource ne sont proscrites, dès lors qu’elles vous aident à comprendre, le reste est sans importance.


    Ne vous y méprenez pas, quelques cours sur internet et deux/trois vidéos ne font pas tout. J’ai travaillé, beaucoup. J’ai fait des recherches à n’en plus finir. J’ai galéré encore et encore et je me suis trompée un nombre incalculable de fois. On passe d’un système dans lequel on n’a presque aucune autonomie à une autonomie totale et autogérée. Chacun gère les choses différemment mais sur certains points comme la recherche de documents en langues, j’étais complètement larguée. Je devais tout chercher et analyser de A à Z. Au risque de me répéter, cette autonomie nouvelle, bien qu’elle soit complexe à régenter au début, m’a été des plus bénéfiques dans le sens où j’ai appris, énormément. Et tout ceci seule ! Je me suis retrouvée à préparer mes cours, faire mes recherches et synthèses de documents en totale autonomie, occupant ainsi la place d’un professeur dans une dizaine de matières. 

    Ça semble beaucoup dit comme ça mais c’est aussi un choix que j’ai fait. J’aurais bien évidemment pu demander plus d’aide, d’accompagnement et de soutien mais je ne l’ai pas toujours fait. Encore un nouvel obstacle : avoir le courage de demander de l’aide. Quand une liberté nous est donnée, on a tendance à l’explorer au maximum, à peu en voir les frontières. Je voulais mener cette expédition de tous les dangers seule, sans guide. C’est un peu comme ces gens qui partent faire l’ascension du Mont Blanc seuls, ils savent que c’est un parcours complexe mais que l’accomplissement une fois en haut sera des plus grands.

 
 


    Finalement, j’aimerais aborder ici un dernier point ; celui de la motivation. Souvenez-vous, déconstruisez la vision intuitive que vous pouvez vous faire de l’éducation à l’école. Ici, tout se fait selon la motivation intrinsèque de chaque élève. Dans un système scolaire traditionnel, l’élève n’a pas vraiment le choix que d’être motivé. Il est poussé sans cesse par les enseignants qui lui donnent des devoirs et des évaluations. Il est donc dans l’obligation et sous la menace d’avoir une sanction ou une mauvaise note, a travaillé régulièrement et ce dans toutes les matières. On retrouve souvent ce même schéma à la maison où les parents poussent leurs enfants à leur apporter de bonnes notes. Les camarades de classe, soumis aux mêmes contraintes, deviennent de véritables alliés dans tout ce raffut. Quelque-part, ce système oppressif les garde motivés. Ces élèves n’ont pas le choix que de travailler ou ils échoueront et c’est bien connu ; l’échec c’est grave (en fait pas du tout mais c’est ce qu’on essaye de nous faire croire). 

    La motivation, au même titre que l’autonomie, sont des choses que l’on ne nous apprend pas. On nous les impose depuis notre plus tendre enfance sans forcément nous en expliquer le sens. Alors, inévitablement, quand on se retrouve seul, sans professeurs à nous imposer des devoirs et des camarades qui vivent la même chose autour de nous, c’est dur de rester motivé. Parce qu’autant se le dire tout de suite, travailler sur son bac ce n’est pas forcément très fun, surtout quand autour de soi, chacun donne libre cours à ses passions. J’ai eu la chance d’avoir une mère qui m’a toujours soutenue et aidée à me focaliser sur le plus important : pourquoi je le faisais. C’est, à mon sens, la clé de la motivation. Il faut constamment se rappeler de pourquoi on le fait, pourquoi on se bat pour ce pauvre bout de papier et on finit par y arriver. On finit par puiser en soi et trouver l’énergie nécessaire pour accomplir ce qui nous paraît être un défi de tous les instants. 

    Enfin, je finirai tout ceci pour vous dire de croire en vous, vous pouvez le faire. Si passer mon bac dans ces conditions n’a pas toujours été facile et que je ne vous ai pas montré les plus beaux aspects de cette expérience, c’est pour que vous compreniez que ça vaut le coup mais qu’il faut être prêt. Vous n’imaginez pas à quel point je suis fière de moi, de qui je suis devenue, de ce bac en poche. À mon sens, il a quinze fois plus de valeur que celui d’un élève en école traditionnelle. Parce que finalement ce baccalauréat, si je l’ai eu, c’est uniquement grâce à moi, mon travail et ma motivation. Si j’ai pu le faire, si j’ai pu surmonter mes peurs et franchir le pas, pourquoi pas vous ?

Cléa Dubreuil4 Comments