L’égalité enfants/adultes à l'École Sudbury Lilloise

En quoi l’égalité enfants/adultes est-elle un des principes fondamentaux de l’École Sudbury Lilloise ? Comment le fonctionnement de cette école rend-il possible cette égalité ?

Voir les enfants comme des individus

          L’inégalité du rapport enfants/adultes dans notre société ne saute pas toujours aux yeux, tant elle est intégrée à notre mode de vie. Comment se manifeste cette différence de traitement dans notre culture et dans nos institutions scolaires ? D’abord par des convictions à l’égard des enfants. On sous-estime souvent la capacité des enfants à prendre de bonnes décisions, d’apprendre de leurs erreurs, de faire preuve de discernement dans leurs choix. Nos a priori sur les enfants sont nombreux.  Ils conduisent à une certaine essentialisation des enfants. Essentialiser, c’est réduire un individu à un stéréotype. On parle de « l’enfant » ou de « l’adolescent·e » comme d’un concept invariable, comme si tous les enfants avaient exactement les mêmes envies, les mêmes projets, les mêmes capacités. Ce processus nie leur personnalité, leur individualité. Nous avons tendance à projeter nos propres attentes sur les enfants, ce qui nous empêche de voir ce qui fait d’eux des personnes uniques.

Par conséquent, leurs préférences et leurs choix sont souvent peu pris en compte, notamment à l’école, où ce qui prime pour évaluer les besoins d’un enfant est son année de naissance, indépendamment de son caractère ou de ses préférences personnelles.

 
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Enfants et adultes sur un pied d’égalité

          Le fait de discriminer les personnes en fonction de leur âge s’appelle l’âgisme, et touche aussi bien les personnes mineures que les personnes âgées. Les discriminations vécues par les personnes mineures sont plus précisément nommées « adultisme », terme encore peu connu que l’on peut définir comme « les comportements et les attitudes fondées sur les hypothèses que les adultes sont plus capables que les jeunes, et donc qu’ils ont le droit de décider pour les jeunes sans leur accord ». (John Bell, Understanding Adultism : A Major Obstacle to Developing Positive Youth-Adult Relationships)

          Cette vision de la jeunesse justifie la position d’autorité que s’accordent les adultes. Il est courant de s’adresser aux enfants moins respectueusement qu’aux autres adultes : s’il est mal vu, pour un adulte, de parler de façon péremptoire ou agressive à un autre adulte, en revanche la même attitude est largement acceptée voire valorisée lorsque l’adulte s’adresse à un enfant. Dans le domaine éducatif, les idées reçues sur les enfants et les adolescents conduisent ainsi à une attitude d’infantilisation et de contrôle omniprésent. On estime que, puisque les enfants ne peuvent pas savoir ce qui est bon pour eux-mêmes, le rôle de l’adulte est de les guider, quitte à le faire contre leur gré.

En général, les enfants ne jouissent pas des mêmes droits fondamentaux que les adultes. Leurs libertés d’expression, d’opinion et d’autodétermination sont souvent largement occultées.. Nous proposons, au sein de notre école, de permettre aux enfants et adolescents de faire l’expérience de ces droits fondamentaux.

Sudbury : une approche éducative centrée sur l’individu

Au sein de l’École Sudbury Lilloise, nous veillons à considérer chaque élève comme un individu à part entière. C’est-à-dire que chaque personne, quel que soit son âge, est considérée comme un individu unique, avec ses préférences et son caractère propre.

Dans une école où les droits des enfants et adolescents sont respectés, des questions éducatives concrètes se posent alors :

  • Comment ces enfants pourront-ils faire des choix et prendre des décisions plus tard, si on les habitue dès le plus jeune âge à toujours les prendre à leur place ?

  • Comment apprendront-ils à devenir des membres actifs et responsables d’une société démocratique, si on les force à évoluer dans un système éducatif autocratique jusqu'à 18 ans ?

  • Comment leur apprendre à nouer des relations constructives et positives avec les adultes si les principales relations qu’ils ont connues jusqu’alors sont de l’ordre de la soumission?

  • Quel cadre éducatif instaurer pour permettre l’indépendance et l’autonomie des enfants, et leur permettre de développer leur personnalité unique ?

A l’École Sudbury Lilloise (ESL), les enfants et adolescent·es sont libres d’organiser leurs journées et de choisir leurs activités comme bon leur semble. Les seules contraintes sont celles qui s’appliquent à tous les membres de l’école, enfants comme adultes : le respect du règlement intérieur, ainsi que les contraintes liées au cadre démocratique (participation au jury du Comité de Justice, par exemple). En bref, les enfants y vivent leur vie, avec la liberté d’entreprendre et l’autodétermination dont jouissent habituellement les adultes.

 
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Comment l’ESL permet-elle l’égalité enfants-adultes ?

Le modèle Sudbury favorise l’égalité entre les âges par plusieurs moyens :

  • L’absence de classes d’âge : au lieu d’être « rangés » avec les autres enfants nés la même année, les élèves peuvent librement interagir avec les plus jeunes comme avec les plus âgés, tout comme les adultes de notre société interagissent avec d’autres personnes, indépendamment de leur année de naissance. Outre que cela favorise grandement les apprentissages mutuels et la coopération (Voir l’article de Cécile Prokop "Le mélange des âges"), cette mixité permet aussi d’atténuer les barrières arbitraires entre les âges. Quel bonheur de voir des enfants de 4 ans se lier d’amitié avec des adolescents, ou des parties de Loups-Garous qui réunissent joyeusement des joueurs de 5 à 40 ans !

  • Un système de certificat a été mis en place pour que l’âge d’une personne ne conditionne jamais l’utilisation d’une ressource de l’école. Par exemple, un certificat a été créé pour utiliser le micro-ondes ou encore pour accéder à la salle calme. Les élèves et les membres du personnel qui souhaitent utiliser le micro-ondes ou s’installer dans la salle calme doivent montrer qu’ils/elles sont capables d’en respecter les règles d’utilisation. C’est la compétence, et non l’âge, qui donne le droit d’utiliser ces ressources. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire cet article de l’École Dynamique sur les certifications.

  • Les enfants et adolescent·es ont un réel pouvoir de décision concernant les règles de l’école, son aménagement, son budget… Chaque membre de l’école peut proposer une nouvelle règle et a une voix dans les prises de décision, quel que soit son âge.

  • Les enfants et adultes sont parfaitement égaux face au règlement intérieur de l’école : Contrairement aux règlements des écoles traditionnelles qui ne s’adressent qu’aux élèves, le règlement intérieur de l’ESL s’applique à tous les membres de l’école, adultes comme enfants : un enfant peut légitimement écrire une plainte contre un membre du personnel qui transgresse le règlement intérieur.

  • Les membres du personnel veillent à permettre aux élèves d’être indépendants et à leur laisser la place nécessaire pour s’exprimer et faire ce qui les intéresse vraiment, sans jugement. Le rôle des adultes dans l’ESL est d’abord de maintenir le cadre démocratique, et d’être des personnes-ressources que les élèves peuvent solliciter dès que nécessaire.

  • Le personnel veille au maximum à considérer les enfants avec le même respect qu’un adulte : pas d’infantilisation dans les mots ou dans le ton employé, pas d’intention pédagogique si l’élève ne le demande pas explicitement… Les adultes n’exercent pas d’autorité arbitraire, mais ils respectent comme tous les enfants et les adolescents le règlement intérieur de l’école. Il n’y a aucun espace réservé aux adultes : la pièce administrative, au même titre que les autres pièces, est ouverte aux enfants. Les adultes quittent leur rôle d’enseignant et leur position d’autorité, pour instaurer un rapport plus horizontal avec les enfants. Le tutoiement est généralisé.

Les écoles Sudbury n’ont pas vocation à changer le monde, mais elles considèrent les enfants comme des individus à part entière, capables de participer à la vie démocratique, libres de s’autodéterminer et de prendre leur vie en main.